Diversité clinique et géographique de la leishmaniose tégumentaire et risque d’atteinte muqueuse : une étude européenne chez 459 voyageurs

22 Sep 2020

Introduction

La leishmaniose tégumentaire (LT) est une dermatose du voyageur responsable d’atteintes cutanées et/ou muqueuses. La zone d’acquisition et la présentation clinique très hétérogènes influencent le choix du traitement. Le risque d’atteinte muqueuse est classiquement décrit chez les patients infectés en Amérique Latine et rarement considéré dans d’autres zones. Nous avons analysé ces paramètres dans une cohorte internationale.

Matériels et méthodes

Étude observationnelle conduite de 2006 à 2019 au sein du consortium Européen « LeishMan ». Les données épidémiologiques et cliniques ont été recueillies dans 10 centres au sein de 7 pays Européens.

Résultats

Nous décrivons 464 épisodes de LT acquis dans 47 pays différents chez 459 voyageurs. Les 3 pays d’acquisition les plus fréquents pour le Nouveau Monde (NM) étaient : Guyane Française (n = 41), Pérou (n = 37), Costa Rica (n = 28) et pour l’Ancien Monde (AM) : Espagne (n = 48), Syrie (n = 36), Maroc (n = 34). Comparativement aux lésions acquises dans l’AM (279 épisodes), les lésions acquises dans le NM (185 épisodes) étaient plus volontiers ulcérées (75 % vs 47 %), moins fréquemment papulo-nodulaires (5 % vs 25 %), plus grandes (médiane de 3 cm vs 2 cm), plus fréquentes sur les membres (61 % vs 47 %) que sur le visage (17 % vs 38 %). L’atteinte muqueuse était plus fréquente dans l’AM que dans le NM (5 % versus 2,7 %). Comparativement aux patients avec une atteinte cutanée isolée, les patients avec atteinte muqueuse à l’inclusion (n = 22 ; 4,3 %) étaient plus âgés (médiane de 58 ans vs 30 ans) et plus souvent immunodéprimés (37 % vs 3,5 %), avec des lésions cutanées plus fréquentes au niveau du visage (64 % versus 29 %). L’identification de l’espèce a permis de décrire 3 formes cliniques (N = 122) : (1) les enfants et leurs parents infectés par L. major en Afrique avec des lésions évolutives des membres sans risque d’atteinte muqueuse ; (2) les touristes de 40 à 70 ans infectés par L. infantum dans le Sud de l’Europe avec une lésion du visage peu évolutive et une atteinte muqueuse dans 22 % des cas ; (3) le jeune touriste itinérant infecté par L. braziliensis avec une lésion ulcérée souvent unique du membre inferieur et une atteinte muqueuse plus rare (6 %).

Conclusion

L’analyse de la LT dans une cohorte de voyageurs permet de délimiter des tableaux cliniques précis utiles au clinicien. Les infections à L. infantum acquises en Europe présentent un taux d’atteinte muqueuse supérieur aux infections à L. braziliensis acquises en Amérique Latine, surtout en cas d’immunodépression. Cette observation constitue un changement de paradigme dans l’évaluation du risque d’atteinte muqueuse chez le voyageur. Le faible risque chez l’immunocompétent justifie un traitement local chez la plupart des patients basé sur des critères cliniques.